Charte des bonnes pratiques

Charte des bonnes pratiques

de l’avocat-enquêteur en droit social

Parce que les règles et usages de la profession, édictées dans l’intérêt du public, garantissent son indépendance et sa loyauté, conditions indispensables à la conduite d’une enquête interne ;

Parce qu’il a l’expertise du droit positif nécessaire à la qualification juridique des faits dont il a à connaître,

Parce que son expérience de la pratique judiciaire lui permet de garantir la validité et la recevabilité d’un rapport d’enquête interne dans le cadre d’un procès,

Parce qu’il garantit le strict respect des droits fondamentaux de toutes les personnes entendues, y compris des mis en cause,

L’avocat enquêteur est à même de conduire, en toute sécurité et impartialité, des enquêtes internes propres à éclairer celui qui a ordonné l’enquête sur la réalité et la gravité des faits ayant donné lieu à signalement. 

Les avocats enquêteurs qui adhèrent à l’association s’engagent à respecter la présente charte, considérée comme fondatrice et structurante de sorte que son respect est une condition d’adhésion à l’ANAES.

Il est en effet rappelé que l’ANAES a pour mission de :

  • Promouvoir le rôle de l’avocat dans la pratique de l’enquête interne, en mettant en avant son expertise et sa déontologie ;
  • Veiller au respect des règles d’éthique et déontologiques nécessaires au bon déroulement des enquêtes internes par les avocats 
  • S’assurer du respect de la présente charte par ses membres ;
  • Constituer un réseau d’entraide, de soutien et de défense de ses membres.
Article 1 : Respect des règles déontologiques

L’avocat chargé d’une enquête interne se doit d’observer les règles applicables à la profession d’avocat et les principes essentiels rappelés à l’article 1.3 du Règlement Intérieur National de la profession d’Avocat qui guident son comportement en toutes circonstances.

Il devra veiller à respecter les principes de conscience, d’indépendance, d’humanité, de loyauté, de délicatesse, de modération, de compétence et de prudence.

Du principe d’indépendance découle l’obligation d’impartialité. L’enquêteur doit être impartial pendant l’enquête puis pouvoir qualifier les faits dans ses conclusions.

L’enquêteur s’abstiendra évidemment de toute pression sur les personnes qu’il sera amené à entendre ou rencontrer au cours de son enquête.

Il devra veiller à ce que toutes les phases de l’enquête interne jusqu’à la restitution soient respectueuses de la dignité de tous les intervenants.

Article 2 : Convention et détermination de la mission

L’activité de l’enquête impose à l’enquêteur une impartialité absolue à l’égard de toute personne physique ou morale qui lui a confié l’enquête, des personnes interrogées, ainsi qu’à toute personne qui interviendrait à quelque titre que ce soit. 

Conformément aux dispositions de l’article 11.2 du Règlement Intérieur, l’avocat qui accepte de se charger d’une enquête doit conclure par écrit une convention de mission qui précise notamment le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

La convention doit également :

  • Rappeler succinctement les faits objet de l’enquête interne
  • Rappeler qui a mandaté l’enquêteur (la ou les sociétés, le groupe, les représentants du personnel etc.)
  • Mentionner la ou les questions posées à l’avocat-enquêteur
  • Déterminer précisément le périmètre de l’enquête interne au sein de la (des) société(s), du groupe avec mention, à titre indicatif, et si cela est possible, du nombre de personnes à entendre
  • Déterminer précisément les personnes bénéficiaires du secret professionnel, la convention mentionnant le nom de l’interlocuteur de l’avocat
  • Mentionner les noms des avocats de son cabinet qui interviendront éventuellement dans le cadre de l’enquête interne
  • Préciser les différentes étapes de l’enquête : collecte des informations, documents et échanges écrits nécessaires à la conduite de l’enquête, auditions et éventuellement communication avec des tiers dont l’intervention serait nécessitée par des besoins techniques, rédaction et diffusion du rapport d’enquête interne
  • Définir les modalités pratiques et matérielles de l’enquête et, notamment le ou les lieux où se tiendront les auditions dans lesquels la confidentialité pourra être garantie
  • Prévoir les modalités précises de restitution de l’enquête
  • Déterminer s’il y a lieu à la rédaction d’un rapport.
Article 3 : Secret professionnel

L’avocat chargé d’une enquête interne est tenu au secret professionnel à l’égard de la seule personne qui a ordonné l’enquête. Nul autre ne peut en solliciter le bénéfice.

Conformément aux règles du secret professionnel, lorsqu’un rapport ou tout autre document est établi par l’avocat lors de sa mission, il est remis exclusivement à celui qui a ordonné l’enquête qui demeure libre de sa transmission à un tiers.

Seule la personne qui a ordonné l’enquête sera habilitée à répondre aux demandes des administrations et autorités judiciaires et leur communiquera les éléments de l’enquête qu’elle jugera nécessaire.

Article 4 : Contacts avec les tiers

Toute personne autre que celle qui a ordonné l’enquête est considérée comme un tiers.

S’il ressort des premières auditions qu’une personne est susceptible d’être mise en cause, l’avocat doit l’informer, par écrit, de cet état de fait avant de l’entendre. Il l’informe qu’elle peut se faire assister d’un avocat. Il l’informe qu’elle peut refuser d’être entendue, qu’elle pourra mettre un terme à l’audition à tout moment, qu’elle pourra remettre des documents et demander à l’avocat enquêteur d’entendre toute personne dont elle communiquera les coordonnées.

Préalablement à tout contact avec les personnes entendues à quelque titre que ce soit en vue de l’accomplissement de l’enquête, l’avocat enquêteur expliquera sa mission, le caractère non coercitif de celle-ci.

Il leur précisera qu’elles ne bénéficient pas du secret professionnel et que leurs propos pourront être, en tout ou partie, retranscrits dans son rapport ; il les informera sur la finalité du traitement de leurs données conformément aux dispositions des articles 12, 13 et 14 du RGPD.

Le cas échéant, si un agissement est susceptible de leur être reproché, il les en informera préalablement à l’audition.

Il rappellera au besoin durant l’audition à la personne auditionnée qu’elle pourra se voir reprocher un agissement à l’issue de l’enquête interne lorsque l’employeur en aura eu connaissance.

L’avocat enquêteur indiquera à la personne entendue par ses soins que si elle le souhaite, son nom ne sera pas cité dans la restitution de l’enquête et/ou le rapport.

Si la personne émet le souhait d’être assistée d’un avocat, et/ou si l’une des parties le souhaite, elle pourra être reçue en dehors de l’entreprise, dans un lieu respectueux des principes essentiels de la profession d’avocat.

Article 5 : Devoir de diligence et de vigilance

L’avocat-enquêteur doit s’efforcer de conduire l’enquête dans les meilleurs délais pour réduire le stress inhérent à la conduite d’une enquête interne en entreprise.

L’avocat-enquêteur devra attirer l’attention de celui qui a ordonné l’enquête sur l’existence de risques avérés pour la santé et la sécurité des salariés ainsi que sur d’éventuels manquements à la législation qu’il serait amené à découvrir en cours d’enquête.

Si l’avocat-enquêteur identifie, en cours d’enquête, un ou des risques psycho-sociaux qui n’entraient pas dans sa mission initiale, il en informe immédiatement celui qui a ordonné l’enquête et lui propose un élargissement de sa mission ou une nouvelle mission avec un périmètre défini d’un commun accord.

L’avocat-enquêteur veille à attirer l’attention de l’employeur sur le respect des délais éventuels de poursuites disciplinaires.

Article 6 : Impartialité et indépendance.

L’avocat enquêteur agira en toute impartialité et s’assurera, à toutes les étapes de l’enquête, de sa plus stricte indépendance à l’égard de l’employeur, de ses conseils et des institutions représentatives du personnel.

Il devra également s’assurer de l’absence de tout conflit d’intérêt à l’égard de toute personne impliquée dans l’enquête.

L’avocat s’abstiendra de réaliser une enquête interne pour le compte d’une personne morale ou physique dont il est l’avocat.

De la même manière, l’avocat s’interdit de représenter ultérieurement ceux qui l’ont mandaté pour l’enquête dans une procédure dirigée contre une personne auditionnée pendant l’enquête interne.

A cet égard, il est rappelé que l’avocat enquêteur ne peut pas être en charge des procédures à mettre éventuellement en œuvre par les parties à l’enquête, sa seule responsabilité étant de réaliser l’enquête de façon indépendante et impartiale, de ne s’attacher qu’aux faits objets de l’enquête et de signaler éventuellement des manquements ou faits nouveaux qu’il pourrait découvrir.

Pour garantir son indépendance, l’avocat enquêteur veillera à être intégralement rémunéré de sa prestation avant la remise de son rapport ou la restitution définitive à celui qui a ordonné l’enquête.

Article 7 : Le rapport

Le rapport écrit doit contenir les éléments d’analyse et de conclusions qu’ils soient sous la forme d’une synthèse des éléments clés ou rédigés de façon complète. 

L’avocat rédigera le rapport d’enquête en prenant constamment la mesure du risque de diffusion de celui-ci et en apposant sur chaque page la mention « couvert par le secret professionnel ».

Dans la rédaction du rapport, l’avocat fera preuve de prudence et de modération.

L’avocat enquêteur ne remettra son rapport qu’aux interlocuteurs désignés dans la convention de mission, et le fera dans des conditions garantissant le secret professionnel.

* Cette charte est susceptible d’être améliorée suivant l’évolution des travaux de l’association